Homélie dimanche 26 avril 2020
3e dimanche de Pâques
1ère Lecture : Actes des Apôtres (2,14. 22b-33)
Psaume : 15
2ème Lecture : Première lettre de saint Pierre apôtre (1,17-21)
Evangile : Luc (24,13-35)
PASSER DE LA TRISTESSE A LA JOIE !
Frères et sœurs bien-aimés
Depuis quelques semaines, le monde entier est sous le choc d’une épidémie qui sème dans nos sociétés, panique et désolation. Déjà, on compte des milliers de morts et des milliers de personnes atteintes de COVID-19, indépendamment des nombreux autres cas de maladie. La joie habituelle a disparu des visages, et le spectre d’attraper la maladie a contraint tout le monde au confinement, à la solitude, à l’isolement, comme c’est le cas chez les disciples d’Emmaüs invités à retrouver le chemin de l’Espérance.
D’après le récit de l’Evangile que Luc est le seul à rapporter, Jésus Ressuscité, ressuscite les disciples ; car la résurrection, comme un virus, est contagieuse. En effet, cette liturgie de la parole donnée, suivie du pain rompu et partagé a ouvert les yeux de Cléophas et son compagnon qui ont abandonné l’auberge et l’intimité d’Emmaüs pour crier la Bonne Nouvelle : « C’est vrai ! Le Seigneur est ressuscité ». Le tombeau est vide, la mort n’a pas pu le retenir, car on ne confine pas l’amour.
Un tel évènement ne peut être gardé secret. C’est pourquoi le Christ fait appel à témoins pour que des Communautés refroidies redeviennent chaleureuses, des regards assombris et douloureux se transforment en visages ensoleillées et pacifiés, des étrangers se parlent et deviennent fraternels, qu’ils s’entendent pour construire un monde nouveau, humanisé parce que divinisé. Ainsi on pourra reconnaître la présence du Seigneur qui l’habite dans le partage du Pain.
Pour cela, il a fallu aux disciples qu’ils changent de route et de direction en revenant sur leurs pas ; il leur a fallu courage et audace pour reprendre leur itinéraire. Sur ce chemin de l’imprévu, ils ont dû aussi faire preuve de disponibilité et de bonne foi pour se laisser instruire, pour se laisser convaincre par cet inconnu qui s’est invité dans leur marche. Aujourd’hui encore, que d’imprévus dans notre vie ! que d’incertitudes et de peur ! Nous sommes rassurés, cependant. Même dans nos moments d’épreuves et de détresse, nous ne sommes pas seuls ; nous avons un solide appui : Jésus est avec nous ; il est notre compagnon de route.
Il vient nous accompagner sur nos routes sans issue. Comme il l’a fait à ses disciples d’Emmaüs, il nous secoue de notre somnolence et nous reproche la faiblesse de notre foi. C’est pourquoi nous aussi, amis catéchumènes, hommes et femmes de bonne volonté, nous sommes invités à être disciples d’Emmaüs en nous laissant instruire par les événements et la Parole de Dieu, dans le partage et la solidarité avec les autres. Car l’initiation d’Emmaüs est le modèle de l’initiation chrétienne où Jésus lui-même vient nous ouvrir les yeux de l’Esprit et nous conduire au témoignage de la foi : il s’agit de devenir croyant au moyen des Ecritures et du rite sacramentel par lesquels l’Eglise atteste que le Seigneur est ressuscité.
Être disciple d’Emmaüs, c’est faire surtout bon usage de sa liberté pour devenir témoin de Jésus Ressuscité. A cet effet justement, si les disciples n’étaient pas retournés à Jérusalem après la fraction du pain, ou bien s’ils s’étaient séparés lors de l’évocation des Ecritures, à quel résultat aurait-on abouti ? … Comment dire ʺje croisʺ sans mettre dans la balance toute sa liberté d’homme ?
Aussi, suivre le Christ en homme libre suppose de suivre un « Dieu libre ». Les paroles de Jésus aux deux disciples ne disent rien d’autre : « Il fallait que le Messie souffre tout cela ». Seule la liberté absolue du Fils, donne la clé pour comprendre que Dieu, dans sa toute-puissance, n’a pas exigé la mort comme contrepartie de la rémission des péchés. Mais qu’au contraire, la mort sur la Croix, est un acte libre d’abandon, refusant toute figure de divinité qui serait mensongère pour la solidarité avec l’humanité. La logique de l’Amour absolu entraine le sacrifice total.
Pour suivre le Christ, il faut avancer sur le chemin de la foi, libéré de la peur et du doute, toujours prêt à accueillir l’intervention de Dieu dans notre quotidien. D’après Jean-Louis Chrétien, le chemin de la foi est un vrai chemin selon l’Esprit qui doit laisser place à la liberté, à l’improvisation, comme à la surprise de la rencontre et à l’inédit de ce qui se présente. Car « les chemins spirituels ne sont pas des parcours ferroviaires… Parfois, c’est lorsqu’on cesse de chercher qu’on est au terme du chemin, parce ce terme vient… ».
Puisse Dieu nous rejoindre sur nos chemins d’Emmaüs et nous apporter la joie de vivre et de travailler à l’avènement d’un monde meilleur. Amen.
Père Léon DOSSOU